Canicule au bureau, chantier sous 40°C : quand la température devient-elle un motif légitime d’exercer son droit de retrait ? Avec le droit du travail qui évolue constamment, de nombreux salariés s’interrogent sur leurs prérogatives lors des épisodes de fortes chaleurs. Mais à partir de quel seuil peut-on légalement quitter son poste ? Quelles sont les nouvelles obligations pour les employeurs depuis juillet 2025 ? Comment distinguer le droit de retrait face aux fortes températures du simple droit d’alerte ? Voici ce que vous devez absolument savoir.

Résumé :
- Le droit de retrait permet de quitter immédiatement son poste en cas de danger thermique grave et imminent, sans autorisation préalable. Il diffère du droit d’alerte exercé par le CSE qui nécessite une procédure écrite ;
- Aucune température maximale n’est fixée légalement, mais l’INRS recommande une vigilance dès 30°C en bureau et 28°C pour les travaux physiques. Depuis juillet 2025, les employeurs doivent adapter leur organisation en fonction des alertes Météo-France ;
- Le salarié qui exerce légitimement son droit de retrait est protégé contre toute sanction et conserve son salaire, mais doit rester à la disposition de son employeur ;
- L’employeur doit évaluer les risques thermiques, assurer la ventilation, fournir de l’eau fraîche et adapter l’organisation du travail. Il ne peut exiger la reprise du travail tant que le danger persiste et engage sa responsabilité civile et pénale en cas de manquement.
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Fondements juridiques du droit de retrait en cas de chaleur
Qu’est-ce que le droit de retrait ?
Le droit de retrait selon le Code du travail
Le droit de retrait est défini par l’article L4131-1 du Code du travail (disponible ici) comme la faculté pour tout salarié de se retirer d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
Ce droit s’exerce individuellement et ne nécessite aucune autorisation préalable de l’employeur. Cette protection fondamentale protège chaque travailleur contre les risques professionnels immédiats.
Les conditions d’exercice du droit de retrait
Deux conditions cumulatives doivent être réunies pour exercer légitimement ce droit.
- D’abord, un danger grave et imminent doit exister : il s’agit d’une menace susceptible de provoquer un accident ou une maladie grave dans un délai rapproché ;
- Ensuite, le salarié doit avoir un motif raisonnable de croire à ce danger, même si celui-ci n’est finalement pas avéré.
Important : le danger peut être physique ou moral.
Exemples concrets
Les tribunaux ont validé l’exercice du droit de retrait dans diverses situations :
- Un salarié chargé de conduire un camion de chantier aux freins défectueux ;
- Un employé contraint de nettoyer des voitures dans un atelier à 3°C ;
- Un chauffeur de bus refusant de conduire un véhicule à la direction défaillante ;
- Une salariée dont le poste ne comportait ni siège aménagé ni repose-pied.
À l’inverse, les juges ont rejeté le retrait d’un salarié qui quittait son bureau au motif de courants d’air gênants, estimant que ce désagrément ne constituait pas un danger grave et imminent.
Bon à savoir : Le droit de retrait ne peut pas servir à revendiquer une augmentation de salaire ou protester contre ses conditions de travail – cela relèverait alors du droit de grève. De plus, il faut distinguer un danger grave et imminent d’un simple risque professionnel : si le risque est inhérent à votre fonction et que vous l’avez initialement accepté (exemple : travail en hauteur pour un couvreur), l’exercice du droit de retrait peut être contesté par l’employeur.
Droit de retrait et droit d’alerte : quelle différence ?
Une confusion fréquente aux conséquences importantes
Ces deux droits concernent les mêmes situations, mais diffèrent fondamentalement par leurs modalités d’exercice. Cette distinction est cruciale lors de l’application des délais de prévenance dans les procédures d’entreprise.
Le droit d’alerte : une procédure formalisée
Le droit d’alerte, défini par l’article L4131-2 du Code du travail, s’exerce exclusivement par les représentants du personnel au CSE (Comité Social et Économique). Cette procédure impose un signalement écrit obligatoire à l’employeur, qui doit déclencher une enquête conjointe dans les 24 heures. Objectif : identifier les causes du danger et mettre en place des mesures correctives.
Attention toutefois, dans le cadre du droit d’alerte salarié concerné ne peut pas abandonner immédiatement son poste de travail.
Le droit de retrait : une protection individuelle immédiate
Le droit de retrait, comme indiqué précédemment, appartient à chaque salarié individuellement. Il autorise à quitter immédiatement son poste dès la perception d’un danger grave et imminent, sans aucune autorisation préalable nécessaire. Contrairement au droit d’alerte, aucun formalisme particulier n’est exigé.
Des droits complémentaires dans la pratique
En pratique, ces droits se complètent souvent. Le droit d’alerte identifie et formalise le danger, tandis que le droit de retrait protège immédiatement les salariés exposés. Ainsi, un représentant peut déclencher un droit d’alerte pendant qu’un salarié exerce simultanément son droit de retrait face à la même situation dangereuse.
Température maximale au travail : que dit la loi ?
Aucun seuil légal fixé par la loi
Contrairement aux idées reçues, aucune température maximale n’est fixée légalement en France. Le Code du travail impose seulement à l’employeur d’adapter la température des locaux au travail humain, sans préciser de valeurs chiffrées. Résultat : cette absence de seuil légal rend l’évaluation du droit de retrait plus complexe !
Les recommandations INRS comme référence
L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) établit des recommandations non contraignantes qui varient selon l’activité :
- 30°C maximum pour un travail sédentaire (bureaux, accueil…) ;
- 28°C maximum pour un travail physique (BTP, logistiques, cuisine…).
Au-delà de 33°C, quelle que soit l’activité, l’INRS considère que le danger devient réel pour tous les travailleurs.
Les nouveautés 2025 : vigilance météo renforcée

Le décret du 27 mai 2025, applicable depuis le 1ᵉʳ juillet 2025, répond à l’augmentation des épisodes caniculaires et à leurs impacts sanitaires croissants.
Innovation majeure : il introduit quatre niveaux de vigilance chaleur basés sur les alertes Météo-France, obligeant les employeurs à adapter leur organisation selon le risque thermique :
| Niveau | Situation |
| Vert | Température normale |
| Jaune | Pic de chaleur (1-2 jours) |
| Orange | Chaleurs persistantes |
| Rouge | Chaleurs extrêmes |
Bon à savoir : En hiver, les mêmes principes s’appliquent pour le froid. Aucune température minimale légale n’existe, mais l’INRS recommande 18-20°C minimum dans les bureaux et 16-18°C pour les travaux physiques en intérieur. En dessous de ces seuils, le salarié concerné peut également exercer son droit de retrait.
Comment exercer son droit de retrait face à une température excessive ?
Les étapes à suivre pour alerter son employeur
La procédure du droit de retrait : souple, mais recommandations importantes
L’exercice du droit de retrait ne suit aucune procédure particulière obligatoire. Le salarié peut alerter son employeur par voie orale ou écrite, selon l’urgence de la situation. Cependant, la formalisation écrite reste fortement conseillée pour éviter tout litige ultérieur. De même, informer les membres du CSE ou de la commission santé-sécurité n’est pas obligatoire, mais est recommandé. Cette documentation devient particulièrement importante dans les entreprises soumises aux contraintes des jours ouvrés et ouvrables pour le traitement des procédures administratives.
Modèle de courrier d’alerte
Voici un modèle de mail à adresser à votre employeur :
« Objet : Alerte – Exercice du droit de retrait
Monsieur/Madame [Nom],
Je vous informe par la présente que j’exerce mon droit de retrait conformément à l’article L4131-1 du Code du travail. Les conditions thermiques actuelles (température de [X]°C dans [lieu]) présentent un danger grave et imminent pour ma santé.
Je reste à votre disposition pour examiner les mesures correctives nécessaires.
Cordialement, [Signature] »
Bon à savoir : Cette procédure s’applique dans tous les secteurs d’activité, y compris lors de la création d’entreprise où les nouveaux dirigeants doivent rapidement intégrer ces obligations légales.
Validation immédiate de l’alerte
Une fois l’alerte transmise, l’employeur doit évaluer la situation et prendre les mesures nécessaires. Le salarié peut quitter son poste immédiatement sans attendre de réponse. Si ce dernier le juge nécessaire, il peut même quitter son lieu de travail pour se rendre en lieu sûr.
Bon à savoir : Les agents de la fonction publique, sauf les agents de la police nationale, des sapeurs-pompiers et de la fonction publique hospitalière, bénéficient également du droit de retrait.
Conséquences juridiques pour le salarié et l’employeur
Les droits et obligations du salarié
Le salarié qui exerce son droit de retrait de manière légitime bénéficie d’une protection absolue : aucune sanction disciplinaire, licenciement ou retenue sur salaire n’est autorisée. Attention, le salarié doit rester à disposition de son employeur et ne peut pas rentrer à son domicile. L’employeur peut l’affecter temporairement à un autre poste sans danger. De plus, l’exercice du droit de retrait ne doit pas créer un nouveau danger pour d’autres personnes, sous peine de faute grave.
Les obligations strictes de l’employeur
Dès qu’il est alerté, l’employeur doit prendre toutes les mesures correctives nécessaires pour éliminer le danger : arrêt des machines, évacuation, fourniture d’équipements de protection ou réorganisation du travail. L’employeur ne peut exiger la reprise du travail tant que le danger persiste, notamment pour les salariés concernés par des délais de carence de 3 ou 7 jours en cas d’arrêt maladie consécutif.
Sanctions en cas d’abus ou de manquement
L’abus de droit survient quand le salarié exerce son retrait sans motif raisonnable ou pour perturber l’entreprise. Dans ce cas, l’employeur peut effectuer une retenue sur salaire correspondant aux heures non travaillées et prononcer des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement.
Bon à savoir : À l’inverse, l’employeur qui ne respecte pas ses obligations en matière de santé et de sécurité s’expose à des amendes pouvant atteindre 10 000 € par salarié concerné, voire 30 000 € en cas de récidive. Il risque également une mise en demeure de l’inspection du travail sous 8 jours, et sa responsabilité civile et pénale peut être engagée, particulièrement en cas de faute inexcusable si un accident survient après avoir ignoré une alerte légitime.
Quels recours en cas de contestation par l’employeur ?
Le conseil de prud’hommes : recours judiciaire
Lorsque l’employeur conteste la légitimité du droit de retrait et applique des sanctions, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes. Cette juridiction tranche les litiges entre employeurs et salariés. Le demandeur doit prouver l’existence d’un motif raisonnable de danger grave et imminent. En cas de victoire, le salarié obtient l’annulation des sanctions, le remboursement des retenues sur salaire et éventuellement des dommages-intérêts. Cette procédure s’avère particulièrement utile pour les salariés en situation précaire, comme ceux en congé parental.
L’inspection du travail : intervention administrative
L’inspection du travail constitue un recours gratuit et efficace. L’inspecteur peut intervenir rapidement sur signalement pour constater la réalité du danger, mettre en demeure l’employeur de prendre des mesures correctives et dresser un procès-verbal en cas d’infraction. Cette intervention administrative précède souvent une action judiciaire et renforce la position du salarié.
La médecine du travail : expertise médicale
Le médecin du travail peut évaluer les risques pour la santé du salarié et émettre des recommandations. Son avis médical constitue un élément probant devant les tribunaux. Il peut également proposer des aménagements de poste ou des mesures de prévention, facilitant ainsi la résolution du conflit.
Fortes chaleurs : quelle stratégie pour les employeurs ?
Quelques mesures simples à mettre en place
Les nouveautés 2025 renforcent les obligations patronales face aux épisodes de chaleur intense. Les employeurs doivent adapter leur organisation dès l’activation des seuils de vigilance Météo-France (jaune, orange, rouge). Ces mesures préventives constituent désormais un pilier essentiel de la gestion d’entreprise.
L’évaluation des risques thermiques
L’employeur doit évaluer précisément l’exposition de chaque salarié aux risques de chaleur en fonction de son poste, de son âge et de son état de santé. Cette évaluation implique la mesure régulière des températures dans les locaux, l’identification des postes les plus exposés et la mise à jour du Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Les personnes vulnérables (femmes enceintes, travailleurs âgés, personnes en situation de handicap) nécessitent une attention particulière.
Les mesures techniques : ventilation, eau et équipements
Les mesures techniques constituent la première ligne de défense contre la chaleur. Concrètement, l’employeur doit assurer une ventilation suffisante des locaux, installer des dispositifs de refroidissement (climatisation, ventilateurs, brumisateurs) et fournir les équipements de protection individuelle adaptés. L’accès à l’eau potable fraîche doit être garanti en permanence, avec des points de distribution facilement accessibles.
L’adaptation organisationnelle : horaires et télétravail
L‘organisation du travail doit s’adapter aux contraintes thermiques : décalage des horaires pour éviter les heures les plus chaudes, augmentation de la fréquence des pauses, réduction de la charge de travail ou mise en place du télétravail quand c’est possible. Ces aménagements permettent de préserver la santé des salariés tout en maintenant l’activité.
Bon à savoir : Dans le secteur du BTP par exemple, l’employeur doit obligatoirement fournir 3 litres d’eau fraîche minimum par jour et par travailleur.
Le rôle du CSE et de la médecine du travail
Les missions du CSE en matière d’alerte
Le CSE joue un rôle central. Ses représentants peuvent déclencher un droit d’alerte dès qu’ils constatent une situation de danger grave et imminent liée à la température. Cette procédure impose une enquête conjointe avec l’employeur dans les 24 heures. Le CSE participe également à l’élaboration du Document Unique, propose des mesures de prévention et peut solliciter l’intervention d’un expert agréé aux frais de l’employeur. En cas de désaccord persistant, le CSE peut saisir l’inspection du travail pour faire valoir les droits des salariés.
L’intervention de la médecine du travail
Le médecin du travail est un acteur clé dans l’évaluation des risques thermiques. Il conseille l’employeur sur les mesures de prévention adaptées, identifie les salariés particulièrement vulnérables et peut prescrire des aménagements de poste spécifiques. Son expertise médicale permet d’objectiver les risques et de proposer des solutions personnalisées : horaires adaptés, pauses supplémentaires, changement temporaire d’affectation.
La coordination des acteurs
CSE, médecin du travail et employeur doivent se coordonner efficacement. Ceci implique des réunions régulières, le partage d’informations sur les incidents et l’élaboration commune de procédures d’urgence. L’inspection du travail peut également intervenir pour faciliter cette coordination et vérifier le respect des obligations légales.
Les procédures d’urgence doivent être clairement définies et connues de tous : circuits d’alerte, personnes ressources, mesures immédiates à prendre. Cette préparation collective permet une réaction rapide et coordonnée face aux situations critiques, protégeant efficacement la santé des salariés.
Des interrogations sur le droit de retrait ? Nous vous répondons dans les commentaires !
