Signer un reçu pour solde de tout compte sans lire celui-ci attentivement peut coûter cher au salarié. À l’inverse, ne pas le remettre à temps ou commettre des erreurs de calcul peuvent exposer votre entreprise à des sanctions. Le solde de tout compte concentre de nombreux enjeux juridiques et financiers. Effet libératoire, délais de contestation, procédure du conseil de prud’hommes… En la matière, le droit du travail doit être connu des employés et des employeurs. Décryptage !

Résumé
- La rédaction d’un solde de tout compte est obligatoire à chaque fin de contrat salarié et quelle qu’en soit la raison. Il détaille l’ensemble des sommes versées au salarié au titre de la rupture ;
- Le solde de tout compte est « quérable » et non « portable ». L’entreprise a obligation de le tenir à disposition du salarié ;
- Plusieurs modes de résolution amiable existent avant le contentieux : médiation conventionnelle, procédure participative et transaction. Ces solutions évitent d’avoir recours au conseil de prud’hommes ;
- Les délais de contestation varient selon la nature du litige : 1 an pour contester la rupture du contrat, 2 ans pour l’exécution du contrat, 3 ans pour le paiement des salaires et 5 ans en cas de discrimination ou de harcèlement.
Créez rapidement votre entreprise avec Indy !
Sur Indy, la création d’entreprise est offerte ! Choix du statut juridique, démarches de création… vous êtes guidé à chaque étape 🤩
Commencer
Qu’est-ce qu’un solde de tout compte ?
Définition juridique
Prenons le cas où après la création de votre entreprise, la gestion des ressources humaines s’est avérée plus complexe que prévu et vous vous séparez d’un salarié.
En tant qu’employeur, vous avez l’obligation légale de rédiger un solde de tout compte au terme d’un contrat de travail (CDI, CDD, CDDU, etc), quel qu’en soit le motif : rupture conventionnelle, démission, licenciement.
Le solde de tout compte est un inventaire détaillé des montants versés au travailleur à la rupture du contrat.
Les documents concernés
Quelle que soit la raison de la fin du contrat de travail, vous devez impérativement tenir à disposition de votre salarié plusieurs documents, en plus du solde de tout compte :
- Le certificat de travail, où figure obligatoirement les dates de début et de fin du contrat, ainsi que les fonctions et postes exercés par le salarié ;
- L’attestation France Travail (anciennement Pôle emploi), que le salarié soit éligible ou non aux allocations chômage ;
- Le dernier bulletin de paie ;
- Et un état récapitulatif des sommes et des titres financiers épargnés ou transférés, si nécessaire.
Quand le solde de tout compte est-il remis au salarié ?
Vous devez tenir le solde de tout compte à disposition du salarié, dans les locaux de l’entreprise, au terme de son contrat de travail. Dans le cas où vous dispenseriez votre employé de préavis, la remise du solde de tout compte au salarié peut avoir lieu :
- soit le jour de son départ effectif de l’entreprise ;
- soit à tout moment au cours du préavis non effectué.
Les éléments clés du solde de tout compte
Les mentions obligatoires du solde de tout compte
Le solde de tout compte doit détailler avec précision les sommes versées lors de la rupture du contrat de travail et doit obligatoirement mentionner :
- La mention “établi en deux exemplaires, dont l’un est remis au salarié” ;
- Le salaire du mois en cours, calculé au prorata des jours bel et bien travaillés ;
- Les coordonnées de l’entreprise : nom, adresse, code postal et commune ;
- Le nom et le prénom du représentant de l’entreprise ;
- Sa fonction et le service auquel il est rattaché ;
- Les coordonnées du salarié : nom, prénom, adresse, code postal et commune ;
- La date à laquelle est remis le solde de tout compte.
Le montant du solde de tout compte
Selon le type de contrat, les natures des rémunérations et le motif de rupture, diverses sommes doivent également être mentionnées dans le solde de tout compte. Elles augmentent son montant total :
- Les indemnités de licenciement ;
- L’indemnité compensatrice de congés payés (au cas où le salarié n’a pas pris son congé parentale, par exemple)
- La prime de précarité pour les contrats à durée déterminée ;
- L’indemnité compensatrice de préavis (en cas de dispense) ;
- L’ensemble des autres primes et commissions dues au salarié.
Les délais relatifs au solde de tout compte
Comprendre les enjeux du solde de tout compte nécessite de distinguer deux notions-clés de délais.
- Le délai de prescription de l’action en justice. C’est la période pendant laquelle une personne peut saisir la justice pour faire valoir un droit ;
- Le délai de prescription de la créance. C’est la période au-delà de laquelle une dette ne peut plus être légalement réclamée.

Les droits et recours du salarié
Le délai pour contester le reçu
Pour dénoncer puis contester son solde de tout compte, le salarié dispose de délais variables selon la nature du litige et la signature ou non du reçu.
Le salarié a signé le reçu pour solde de tout compte
Dans le cas où le salarié a signé le reçu, il dispose d’un délai de 6 mois (à compter de la date de signature) pour dénoncer le solde de tout compte. Cette dénonciation peut prendre deux formes :
- Une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à son ex-employeur. Dans ce cas, le délai de 6 mois expire à la date d’envoi de la lettre recommandée ;
- La saisine du conseil de prud’hommes (dans un second temps). Dans ce cas, le délai de 6 mois expire au jour de la réception, par l’employeur, de sa convocation.
Les délais de contestation
Après dénonciation du reçu par lettre dans ce délai de 6 mois, celui-ci perd sa valeur libératoire. Des délais de contestation (et non de dénonciation) entrent alors en vigueur. Ils déterminent la durée pendant laquelle le salarié est en droit de porter le litige en justice (autrement dit, de saisir le conseil de prud’hommes) :
Par exemple, la rupture en elle-même ou les indemnités de licenciement. Le salarié dispose d’un délai d’une année pour saisir le conseil de prud’hommes “à compter de la notification de la rupture”, selon l’article L1471-1 du Code du travail.
Le litige porte sur l’exécution du contrat de travail :
Travail dissimulé, non-paiement de frais professionnels, etc. Le salarié dispose d’un délai de 2 ans “à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit”, toujours selon l’article L1471-1 du Code du travail.
Le litige porte sur le paiement des salaires :
Salaire non versé (ou illégal, si inférieur au SMIC net 2025 par exemple), prime de vacances oubliée, absence de majoration des heures de nuit, etc. Le salarié dispose d’un délai de 3 ans pour contester ces sommes, conformément à l’article L3245-1 du Code du travail.
Cette action en justice est prescrite par “trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter […] lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat”.
Au-delà de ces délais, saisir le conseil de prud’hommes (au titre de l’un de ces motifs) n’est plus possible pour le salarié.
Discrimination, harcèlement : des délais distincts
Pour un salarié victime de discrimination ou de harcèlement (moral, sexuel) ayant entraîné la cessation de son contrat de travail, le délai de contestation de la rupture est de 5 ans à compter du terme du contrat.
Le salarié n’a pas signé le reçu pour solde de tout compte
Lorsque le reçu n’a pas été signé par le salarié, il ne produit pas d’effet libératoire pour votre entreprise passé 6 mois. Le salarié peut contester les sommes du reçu selon les délais propres à chaque litige et mentionnés précédemment.
Variation des délais et interprétations juridiques
L’application des délais de prescription de l’action en justice peut varier selon les particularités de chaque dossier, comme l’illustrent certaines décisions récentes de la Cour de cassation.
- Contestation de la rupture de travail et état de santé.
La Cour de cassation a reconnu, dans un arrêt du 25 janvier 2023 (numéro 21-17.791) que l’état de santé d’un salarié, dégradé au point qu’il ne puisse agir, peut suspendre le délai de prescription d’une contestation de la rupture du contrat de travail.
- Rappel de salaire au titre de congés.
Pour un rappel de salaire au titre des congés, le délai de prescription d’une action en justice est censé débuter à la date où le salarié connaît ou aurait dû connaître “les faits lui permettant d’exercer son droit”.
Cette date coïncide, en pratique, à l’expiration de la période légale au cours de laquelle les congés auraient pu être pris.
Néanmoins, dans un arrêt du 13 septembre 2023 (numéro 22-10.529), la Cour de cassation affirme ceci : dans le cas où l’employeur n’a pas répondu à son devoir légal d’informer le salarié de son droit à congé, la prescription ne débute pas.
La procédure de contestation auprès de l’employeur
La lettre recommandée, une obligation légale
Conformément à l’article D1234-8 du Code du travail, le salarié doit impérativement dénoncer le reçu pour solde de tout compte par lettre recommandée avec avis de réception. Cette formalité est obligatoire pour que sa dénonciation ait une valeur juridique.
Solde de tout compte : résoudre le litige à l’amiable
Avant d’envisager de recourir au conseil de prud’hommes, plusieurs modes de résolution à l’amiable existent :
- La médiation conventionnelle : Un médiateur neutre et indépendant accompagne les parties pour trouver une solution négociée au conflit ;
- La procédure participative : Vous et votre salarié, assistés chacun de votre avocat, vous engagez contractuellement à rechercher une solution amiable. Cette procédure encadre juridiquement la négociation pour une durée déterminée ;
- La transaction : Vous signez avec votre salarié un accord écrit mettant fin définitivement au litige, moyennant des concessions de votre part et/ou de la sienne. Cet acte clôt définitivement le différend.
Le recours possible devant le conseil de prud’hommes
Les modalités de dépôt de la requête
Le salarié peut présenter sa requête aux fins de saisine du conseil de prud’hommes sur papier libre, ou utiliser le formulaire officiel dédié. La requête peut être adressée au greffe du conseil de prud’hommes par courrier (recommandé ou non) ou déposée directement au greffe.
La demande, datée et signée, doit comporter les éléments suivants :
- Les coordonnées du salarié ;
- Les coordonnées du défendeur (employeur contre qui la demande est réalisée) ;
- L’objet de la demande ;
- L’exposé des motifs de la requête ;
- La mention des sommes réclamées.
Les pièces justificatives
La demande doit être accompagnée des pièces que le salarié souhaite invoquer pour justifier des sommes réclamées, pièces énumérées sur un bordereau annexé à la requête. Le salarié doit déposer ou envoyer sa requête et son bordereau en autant d’exemplaires que de défendeurs, en plus d’un exemplaire pour le greffe.
Qui peut représenter un salarié ?
Le salarié peut se présenter seul à l’audience du conseil de prud’hommes. La présence d’un avocat n’est pas obligatoire. Le salarié peut se faire aider par :
- Un avocat (l’aide juridictionnelle est possible, sous réserve que l’avocat l’accepte) ;
- Un défenseur syndical ;
- Un salarié ou un employeur appartenant à la même branche d’activité ;
- Son époux, partenaire de pacte civil de solidarité ou concubin.
Conciliation et jugement
La procédure prud’homale comporte deux phases distinctes.
- La phase initiale de conciliation : Elle se déroule entre vous et votre salarié. L’objectif est de trouver un accord amiable, sous l’égide du conseil de prud’hommes. En cas de conciliation totale, le litige prend fin définitivement.
- La phase de jugement : En l’absence de conciliation totale, les éléments de l’affaire non résolus font l’objet d’un jugement. Le conseil de prud’hommes statue sur les demandes du salarié et rend sa décision.
Les obligations de l’employeur
La remise du document et du paiement
Solde de tout compte : quérable ou portable ?
Tous les documents de fin de contrat, dont le solde de tout compte, sont quérables. Vous avez obligation de les rédiger et de les tenir à disposition du salarié. Pour autant, rien ne vous oblige à les lui transmettre, s’il n’en fait pas la demande.
Autre notion importante, quérable ne signifie pas portable. Autrement dit, vous n’avez pas obligation de transmettre par voie postale ou par mail les documents de fin de contrat, comme le confirme l’arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2015 (numéro 13-26.850). Et ce, même si le salarié vous en fait expressément la demande.
Le solde de tout compte peut-il être récupéré par un tiers ?
Un salarié peut légalement mandater une tierce personne pour récupérer son solde de tout compte.
Cette autorisation nécessite d’être couchée par écrit. Le salarié doit rédiger une procuration mentionnant explicitement l’identité du mandataire et son habilitation à récupérer le solde de tout compte.
Les risques en cas de non-remise
Aucun délai précis n’est fixé par la loi pour la remise du solde de tout compte, mais celle-ci doit intervenir sans retard excessif après la fin du contrat.
Un retard de plusieurs mois dans la remise du document après une demande expresse du salarié peut exposer votre société au versement de dommages et intérêts au profit de l’employé lésé.
