Avant de rédiger une lettre de démission pour prendre un nouveau départ, une question se pose : peut-on cumuler chômage et création d’entreprise ? Cet article fait le point, étape par étape, sur les situations où il est possible d’être indemnisé(e) après une démission, les dispositifs existants comme la reconversion professionnelle, et les démarches à effectuer auprès de France Travail (ex-Pôle emploi).

En résumé
- La démission ne donne pas droit au chômage, sauf cas légitimes (suivi de conjoint, mariage, violences, non-paiement, échec d’entreprise…) ;
- Le dispositif « démission-reconversion » permet d’être indemnisé si votre projet est validé par un Conseiller en évolution professionnelle (CEP) puis Transition Pro avant la démission ;
- En dehors de ces cas, il est possible de demander un réexamen par l’Instance Paritaire Régionale (IPR) après quatre mois sans revenu, à condition de prouver ses démarches actives de recherche d’emploi ;
- Vous devez ensuite vous inscrire à France Travail, fournir vos justificatifs et attendre le délai de carence avant versement.
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Comprendre les règles générales du chômage
La différence entre licenciement et démission
Un licenciement est une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur (économique, personnel, disciplinaire…). La démission, au contraire, est une décision du salarié de mettre fin à son contrat.
Or, dans le cadre du droit du travail français, le chômage indemnisé est un revenu de remplacement destiné à ceux qui perdent leur emploi de manière involontaire.
Les droits au chômage en cas de rupture classique du contrat
Les bénéficiaires “classiques” du chômage sont les salariés concernés par les situations suivantes :
- Licenciement (économique, personnel, faute, inaptitude) ;
- Rupture conventionnelle (consensuelle entre salarié et employeur) ;
- CDD arrivé à son terme (si la durée d’activité cumulée est suffisante).
Dans ces cas, vous pouvez percevoir l’ARE (aide retour à l’emploi) si vous remplissez les conditions suivantes :
- Être inscrit·e comme demandeur d’emploi auprès de France Travail ;
- Résider sur le territoire national ;
- Avoir travaillé au moins 6 mois (soit 910 heures ou 130 jours) au cours des 24 derniers mois (< 55 ans) ou 36 derniers mois (> 55 ans) ;
- Ne pas avoir refusé à deux reprises une proposition de CDI après un CDD ou un contrat de mission ;
- Être actif ou active dans sa recherche d’emploi : se présenter aux rendez-vous, accepter les propositions de formation… ;
- Ne pas prétendre à une retraite à taux plein.
Pourquoi la démission n’ouvre pas automatiquement droit au chômage ?
La démission est un acte volontaire : vous choisissez de quitter votre emploi, donc vous n’êtes pas considéré(e) comme involontairement privé de travail. Cependant, l’administration reconnaît que certaines démissions peuvent être “légitimes”, c’est-à-dire justifiées par une situation contraignante (familiale, professionnelle, ou liée à des manquements de l’employeur).
C’est dans ces cas précis, ou dans le cadre d’un projet de reconversion validé, que vous pouvez percevoir l’ARE.
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Les cas de démission légitime ouvrant droit au chômage
Démission pour suivre un(e) conjoint(e) qui déménage
C’est le cas le plus fréquent !
Si le ou la partenaire avec qui vous êtes marié(e) ou pacsé(s) change de lieu de résidence pour raisons professionnelles, votre démission est considérée comme légitime. Vous pourrez ainsi ouvrir des droits au chômage, à condition de remplir les autres conditions mentionnées en première partie d’article.
Vous habitez Lyon et votre partenaire obtient un poste à Bordeaux ; si vous démissionnez pour le ou la suivre, vous pourrez percevoir le chômage si vous fournissez les justificatifs nécessaires (contrat de travail ou ordre de mutation de votre conjoint, justificatif de domicile, livret de famille, etc.).
Démission pour raisons familiales (mariage, violences, etc.)
Certaines situations personnelles ou familiales justifient une démission:
- Mariage ou Pacs nécessitant un changement de résidence;
- Suivi d’un parent ou d’un enfant handicapé admis dans une structure spécialisée ;
- Départ d’un mineur pour suivre ses parents ;
- Victime de violences conjugales, contraint(e) de changer de domicile.
Démission suite à un non-paiement du salaire
Autre cas typique : l’employeur qui ne paie pas son salarié, malgré une décision de justice. Vous pouvez alors démissionner et prétendre à l’ARE si vous présentez une ordonnance de référé ou un jugement prud’homal condamnant l’employeur à verser les salaires dus. Cette mesure protège le salarié contre les situations de travail abusif ou frauduleux.
Démission pour créer ou reprendre une entreprise
Depuis 2019, la loi Macron “démission-chômage” a ouvert le droit au chômage aux salariés démissionnaires ayant un projet réel et sérieux de reconversion ou de création d’entreprise.
Le principe : accompagner financièrement celles et ceux qui quittent un CDI pour entreprendre.
Vous quittez votre poste salarié dans un SPA pour créer votre propre institut de beauté. Si votre projet est validé par une commission régionale, vous pourrez percevoir l’ARE pendant le lancement de votre activité.
Autres situations reconnues par Pôle emploi
Parmi les autres cas de démissions dites légitimes figurent notamment :
- La rupture d’un nouveau contrat de travail de moins de 65 jours;
- L’échec d’une création d’entreprise ;
- La fin d’un contrat d’insertion pour reprendre un emploi durable;
- La démission d’un journaliste pour raisons de conscience professionnelle ;
- Ou encore le refus d’un particulier employeur de faire vacciner son enfant pour les assistant(e)s maternel(le)s.
Le dispositif spécifique de démission pour reconversion professionnelle
Les origines du dispositif
Le dispositif de démission pour reconversion professionnelle a été instauré par la loi “Avenir professionnel” du 5 septembre 2018, puis mis en application au 1er novembre 2019.
L’objectif du gouvernement était clair : favoriser la mobilité professionnelle et encourager les salariés en CDI à se reconvertir ou à créer leur entreprise sans perdre la sécurité du chômage.
Avant cette réforme, une démission entraînait automatiquement la perte des droits à l’ARE, sauf les cas très limités de “démission légitime” cité ci-dessus. Beaucoup de salariés restaient bloqués dans un emploi par crainte de perdre tout revenu en cas de changement de voie.
Les conditions pour bénéficier de ce dispositif
Pour bénéficier du chômage dans le cadre d’une reconversion professionnelle ou d’une création d’entreprise, il faut remplir toutes les conditions suivantes :
- Être en CDI dans une entreprise privée (les CDI du secteur public, CDD et intérimaires ne sont pas éligibles) ;
- Justifier d’au moins 5 ans d’activité salariée continue au cours des 60 derniers mois (soit 1 300 jours travaillés). La réglementation n’impose cependant pas d’avoir effectué ces 1300 jours travaillés dans la même entreprise ;
- Obtenir la validation du caractère réel et sérieux du projet par la commission paritaire régionale (Transition Pro) ;
- S’inscrire à France Travail dans les 6 mois suivant cette validation.
Le projet doit être concret : formation qualifiante, création d’entreprise ou reprise d’activité existante. En revanche, une simple envie de changement ou de pause professionnelle ne suffit pas.
📎 Pour vérifier votre éligibilité, consultez le site officiel demission-reconversion.gouv.fr, qui détaille les étapes et propose un simulateur.
La procédure à respecter
La démarche pour soumettre son cas auprès de la commission concernée se fait en 4 étapes principales:
1. Contacter un Conseil en Évolution Professionnelle (CEP)
Avant de démissionner, vous devez rencontrer un conseiller CEP (APEC pour les cadres, CAP Emploi pour les personnes en situation de handicap, ou opérateurs régionaux agréés).
2. Présenter le dossier à la commission des Projets de Transition Professionnels (PTP)
Une fois le projet formalisé, il doit être validé par la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR), aussi appelée ATPro pour associations Transitions Pro.
Celle-ci vérifie :
- La cohérence du projet ;
- Les moyens financiers ;
- La viabilité professionnelle à moyen terme.
En matière de délai :
- La commission dispose de 2 mois à compter de la réception d’un dossier complet pour statuer;
- L’absence de réponse dans ce délai vaut validation automatique du caractère réel et sérieux du projet ;
- Si le dossier est incomplet, la commission en informe le candidat, et le délai de 2 mois ne démarre qu’une fois les pièces manquantes reçues ;
- En cas de refus de la commission, vous pouvez déposer un recours gracieux sous 2 mois, accompagné d’éventuels éléments nouveaux.
3. Démissionner une fois l’accord obtenu
La démission ne doit intervenir qu’après validation du projet par la commission concernée. Sans cette attestation, votre dossier sera automatiquement refusé par France Travail.
La notification de démission s’effectue selon la procédure habituelle : lettre de démission en main propre, par mail ou via lettre recommandée avec accusé de réception.
4. S’inscrire à France Travail
Vous disposez d’un délai de 6 mois après validation du projet pour vous inscrire à France Travail et demander le versement de l’ARE. Aussi, une formation plus longue que la durée d’indemnisation reste possible, l’ARE couvrant uniquement la perte de revenus, pas les frais de formation !
La création d’entreprise pendant le chômage permet également de cumuler une partie de vos allocations avec vos revenus d’activité, selon le dispositif ARCE ou le maintien partiel de l’ARE.
Les démarches à effectuer pour obtenir le chômage après une démission
Vérifier son éligibilité avant de démissionner
Avant toute décision, prenez le temps de vérifier si votre situation correspond à un cas reconnu par France Travail.
Sachez qu’il existe un mécanisme de chômage après 4 mois de démission : l’Instance Paritaire Régionale (IPR) peut réexaminer votre dossier après 121 jours sans indemnisation, si vous prouvez vos efforts de recherche d’emploi.
Constituer son dossier auprès de France Travail
Une fois la démission actée :
- Inscrivez-vous sur le site de France Travail (ex-Pôle Emploi) dans les 12 mois qui suivent la fin de votre contrat ;
- Fournissez les justificatifs correspondants (attestation employeur, preuves du motif légitime ou de validation du projet) ;
- Participez à l’entretien avec un conseiller France Travail pour évaluer votre projet ou votre situation professionnelle.
Selon votre cas, d’autres documents peuvent être demandés :
- Jugement prud’homal (en cas de non-paiement de salaire) ;
- Attestation de mariage ou de Pacs ;
- Avis de Transition Pro ;
- Preuve de déménagement, etc.
Le délai de carence
L’ARE n’est pas versée immédiatement après l’inscription. Trois délais s’appliquent :
- Délai d’attente fixe : 7 jours minimum ;
- Délai lié aux congés payés non pris, calculé selon votre solde (la durée du différé congés payés est limitée à 30 jours) ;
- Délai supplémentaire en cas de versement d’une prime supra-légale comme une prime de départ (cela n’impacte pas directement le montant de votre ARE, mais peut rallonger le délai avant son versement à cause d’une carence).
Le calcul de l’allocation chômage
Le montant de l’ARE dépend de votre salaire journalier de référence (SJR), calculé sur la base de vos revenus des 24 derniers mois (ou 36 mois si vous avez plus de 53 ans).
La formule est la suivante : le salaire journalier de référence (SJR) = salaire total de la période ÷ nombre de jours calendaires entre le premier et le dernier contrat (jours travaillés et non travaillés).
Important :
- L’allocation journalière brute est calculée selon la formule la plus avantageuse : 40,4 % du SJR + 13,18 € OU 57 % du SJR ;
- Les jours non travaillés sont plafonnés : ils ne peuvent excéder 70 % du total des jours travaillés sur la période ;
- Des retenues sociales s’appliquent : CSG, CRDS, et contribution retraite complémentaire ;
- L’allocation est versée mensuellement (SJR × 30), y compris pour les temps partiels (calcul ajusté).
Et si ma démission ne rentre dans aucun cas ?
Tout n’est pas perdu ! Si votre situation ne correspond à aucun cas de démission légitime, vous pouvez bénéficier du chômage 4 mois après la démission.
Ce mécanisme permet un réexamen de votre dossier après 121 jours (soit quatre mois) sans revenu de remplacement, par l’Instance Paritaire Régionale (IPR).
Pour cela, il faut :
- Justifier des démarches réelles de recherche d’emploi ou de formation ;
- Fournir les preuves (candidatures, entretiens, inscriptions à des formations, accompagnement CEP) ;
- Déposer la demande via votre espace France Travail.
Si l’IPR estime vos efforts suffisants, vous pouvez bénéficier d’une ouverture de droits à l’ARE à partir du 122ᵉ jour, c’est-à-dire sans effet rétroactif sur les mois écoulés.
Rappel : d’autres formes de chômage à distinguer
Le chômage indemnisé ne se limite pas au cas de démission ou de licenciement. D’autres dispositifs existent :
- Le chômage conjoncturel (aussi appelé “activité partielle”) intervient lors d’une baisse temporaire d’activité dans l’entreprise. Le salarié reste en poste mais perçoit une indemnité versée par l’État ;
- Le chômage technique, similaire, s’applique en cas de suspension d’activité due à des causes économiques ou techniques.
Des questions sur vos droits aux allocations chômage ? Sur la possibilité de percevoir des ARE en création d’entreprise ? Ou encore sur le cumul chômage et congé maternité ? Laissez-nous un petit message, l’équipe vous répondra rapidement.
