- La profession d’avocat est incompatible avec toute activité commerciale directe et certaines fonctions exécutives (directeur général SA, gérant SARL, président SAS), pour préserver l’indépendance professionnelle ;
- Un avocat peut être associé minoritaire (moins de 50%) d’une SA, SARL, SAS ou SICAV. Depuis 2020, il peut être président du Conseil d’Administration d’une SA si les fonctions président/DG sont dissociées ;
- Les SEL permettent aux avocats d’exercer leur profession en société. Les professionnels doivent détenir au minimum 51% du capital et des droits de vote, garantissant ainsi le contrôle de la structure par les avocats ;
- Le non-respect de ces règles expose à des sanctions disciplinaires (avertissement, blâme, interdiction temporaire, radiation) et pénales (amende jusqu’à 15 000 €). Le risque majeur réside dans l’atteinte à l’indépendance et les conflits d’intérêts.
Vous envisagez de devenir associé d’une entreprise tout en conservant votre activité d’avocat ? Cette perspective soulève des questions déontologiques essentielles. Le cadre juridique de la profession d’avocat impose des règles strictes concernant les participations dans des sociétés commerciales. Pourtant, depuis 2016, le législateur a progressivement assoupli ces restrictions. Alors, un avocat peut-il être associé d’une société commerciale ? Quelles sont les conditions à respecter ? Quels risques encourt-il en cas de non-respect ? Découvrez toutes les réponses dans ce guide complet.

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Le cadre juridique et déontologique de la profession d’avocat
Les principes d’incompatibilité avec l’activité commerciale
Le principe fondamental d’incompatibilité
La profession d’avocat repose sur un principe essentiel : l’incompatibilité avec toute activité de caractère commercial. Cette règle fondamentale vise à préserver l’indépendance de l’avocat et à garantir qu’il puisse exercer ses missions de conseil et de représentation sans subir aucune pression extérieure.
Concrètement, un avocat ne peut exercer directement une activité commerciale, qu’elle soit exercée en son nom propre ou par personne interposée. Cette interdiction s’étend également à l’exercice de certaines fonctions de direction dans des sociétés commerciales, considérées comme créant une subordination économique incompatible avec les obligations déontologiques de la profession.
Les fondements déontologiques
Quatre principes essentiels justifient ces incompatibilités strictes :
- L’indépendance : ce principe constitue le socle de la profession. En effet, l’avocat doit pouvoir exercer son activité sans subir aucune contrainte économique ou hiérarchique susceptible d’influencer ses décisions professionnelles ;
- L’absence de conflit d’intérêts : il garantit que l’avocat ne se trouve jamais dans une situation où ses intérêts personnels pourraient compromettre son devoir de loyauté envers ses clients ;
- La dignité de la profession : l’image et la crédibilité de l’avocat doit être préservée aux yeux du public et de la justice ;
- Le secret professionnel : celui-ci risquerait d’être compromis si l’avocat exerçait simultanément des activités commerciales l’exposant à des obligations de transparence contradictoires avec ce devoir absolu de confidentialité.
Bon à savoir : Un associé par définition est une personne qui détient des parts sociales ou actions d’une société, lui conférant des droits patrimoniaux (dividendes) et politiques (vote en assemblée).
Les évolutions récentes du cadre légal : vers un assouplissement
La loi Macron de 2015 : première ouverture
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 (dite loi Macron disponible ici) a marqué un tournant historique en supprimant le principe d’unicité d’exercice. Avant cette réforme, un avocat ne pouvait exercer que dans une seule structure professionnelle. Depuis 2016, il peut désormais exercer simultanément dans plusieurs cabinets ou structures, ouvrant la voie à l’exercice pluriprofessionnel et à la détention de participations dans diverses sociétés.
Le décret de 2020 : l’ouverture aux fonctions de président
Le décret n° 2020-58 du 29 janvier 2020 a franchi une nouvelle étape en supprimant l’incompatibilité entre la profession d’avocat et les fonctions de président du conseil d’administration d’une SA. Cette évolution majeure autorise, pour la première fois, un avocat à exercer une fonction de direction, à la condition impérative que les fonctions de président et de directeur général soient dissociées. Cette dissociation garantit que l’avocat conserve un rôle stratégique sans assurer la gestion opérationnelle quotidienne.
Les réformes de 2023-2024 : modernisation et harmonisation
L’ordonnance du 8 février 2023 et le décret du 14 août 2024, ont achevé cette modernisation. Ces textes harmonisent les règles applicables aux sociétés d’exercice libéral (SEL) et facilitent les restructurations. Ils introduisent également la possibilité pour les SEL de détenir des participations dans des sociétés commerciales exerçant des activités connexes à la profession d’avocat. Parmi les étapes de création d’une entreprise, cette évolution offre désormais aux avocats une flexibilité accrue pour structurer leur activité professionnelle.
Bon à savoir : Les activités connexes désignent des activités économiques complémentaires à l’exercice de la profession d’avocat, sans constituer elles-mêmes de l’exercice du droit. Par exemple : édition juridique, formation professionnelle, conseil en organisation, gestion de bases de données juridiques, ou encore services de médiation. Ces activités doivent rester accessoires.
Les possibilités pour un avocat d’être associé

La détention de parts sociales dans une société commerciale
Associé ou actionnaire minoritaire : ce qui est autorisé
Un avocat peut détenir des parts sociales ou actions dans une société commerciale, à condition de respecter deux règles fondamentales.
Premièrement, il doit rester associé ou actionnaire minoritaire, c’est-à-dire détenir moins de 50% du capital social. Cette limitation garantit qu’il ne dispose pas du contrôle effectif de la société commerciale.
Deuxièmement, l’avocat doit impérativement respecter les règles relatives aux conflits d’intérêts. Concrètement, il ne peut représenter un client dans un litige contre la société dans laquelle il détient des parts, ni conseiller un concurrent de cette société. Cette obligation de loyauté s’étend à toute situation susceptible de compromettre son indépendance professionnelle.
Les sociétés concernées incluent les SA (Société Anonyme), SARL (Société à Responsabilité Limitée), SAS (Société par Actions Simplifiée) et SICAV. (Sociétés d’Investissement à Capital Variable). Lors de la création de votre entreprise, cette possibilité vous permet de diversifier vos activités tout en conservant votre statut d’avocat.
Les fonctions autorisées depuis 2020
Un avocat peut également siéger comme administrateur d’une SA ou membre du conseil de surveillance. Les avocats justifiant de sept années d’ancienneté peuvent exercer ces mandats sans solliciter de dispense auprès du Conseil de l’Ordre. Cette ancienneté témoigne d’une expérience professionnelle suffisante pour garantir le maintien de l’indépendance malgré ces fonctions.
Bon à savoir : La dispense est une autorisation préalable que doit solliciter un avocat ayant moins de 7 ans d’ancienneté auprès du Conseil de l’Ordre pour exercer certaines fonctions (administrateur SA, membre conseil de surveillance).
Les fonctions interdites
Malgré ces assouplissements progressifs, l’article 22 du décret maintient l’incompatibilité avec plusieurs fonctions exécutives :
- Directeur général d’une SA ;
- Membre du directoire d’une SA ;
- Gérant de SARL ;
- Président de SAS ;
- Associé commandité par Actions ou Simplifiée (SCA, SCS) ;
- Associé en nom collectif ;
- Gérant de SCI (Société Civile Immobilière).
Bon à savoir : Un avocat peut être gérant d’une SCI uniquement si celle-ci a pour objet la gestion d’intérêts familiaux. Cette exception vise à permettre aux avocats de gérer leur patrimoine immobilier familial (résidence principale, résidence secondaire, biens transmis par succession).
Le rôle des sociétés d’exercice libéral (SEL) d’avocats
Les 4 formes de SEL
Les SEL sont des structures spécifiquement conçues pour permettre aux avocats d’exercer leur profession en société tout en intégrant des capitaux externes. Ces structures se déclinent en quatre formes juridiques, chacune calquée sur une structure commerciale classique :
- SELARL (Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée) : équivalent de la SARL, elle limite la responsabilité des associés à leurs apports ;
- SELAS (Société d’Exercice Libéral par Actions Simplifiée) : équivalent de la SAS, elle offre une grande souplesse statutaire ;
- SELAFA (Société d’Exercice Libéral à Forme Anonyme) : équivalent de la SA, adaptée aux structures de grande taille ;
- SELCA (Société d’Exercice Libéral en Commandite par Actions) : structure distinguant associés commandités et commanditaires.
La règle des 51% de capital professionnel
Les SEL obéissent à une règle fondamentale : les professionnels en exercice doivent détenir au minimum 51% du capital social et des droits de vote. Cette exigence garantit que les avocats conservent le contrôle effectif de la société et préservent leur indépendance professionnelle.
Les 49% restants peuvent être détenus par des associés non-avocats : investisseurs financiers, autres professions libérales ou personnes morales. Cette ouverture capitalistique facilite le financement et le développement des cabinets tout en maintenant la maîtrise professionnelle.
Par ailleurs, un pacte d’associés permet d’organiser précisément les relations entre associés professionnels et investisseurs, en prévoyant notamment des clauses de gouvernance spécifiques.
Les obligations des SEL depuis 2024
Depuis le 1er septembre 2024, les SEL doivent transmettre chaque année au Conseil de l’Ordre, avant le 1er mars, un état actualisé de la composition de leur capital et de leurs droits de vote. Cette déclaration annuelle doit inclure les statuts à jour ainsi que tout pacte de gouvernance ou convention réglementant les relations entre associés.
Cette obligation renforce la transparence de l’actionnariat et permet au Conseil de l’Ordre de vérifier le respect de la règle des 51% ainsi que l’absence de subordination économique.
Conséquences et vigilance
Le risque majeur : l’atteinte à l’indépendance professionnelle
Le conflit d’intérêts
Le conflit d’intérêts constitue le risque principal lorsqu’un avocat détient des parts dans une société commerciale. Il ne peut jamais représenter un client dans un litige contre la société dans laquelle il est associé, ni conseiller un concurrent direct de cette société. Cette interdiction absolue découle du principe fondamental de loyauté envers les clients.
L’avocat doit systématiquement déclarer au bâtonnier toute participation susceptible de générer un conflit d’intérêts. En cas de doute, il lui appartient de refuser le dossier ou de se déporter, même si le client potentiel insiste.
La subordination économique
Au-delà du conflit d’intérêts ponctuel, la subordination économique représente un risque plus insidieux. Si les revenus de l’avocat dépendent substantiellement des dividendes versés par la société commerciale, son indépendance professionnelle peut se trouver compromise. Cette dépendance financière crée une pression pour prendre des décisions favorables à la société, au détriment potentiel de l’intérêt de ses clients.
Le Conseil de l’Ordre évalue cette indépendance selon plusieurs critères : la proportion des revenus provenant de la société, le pouvoir décisionnel effectif de l’avocat au sein de cette société et la nature des liens économiques entretenus. Si cette évaluation révèle une subordination économique caractérisée, l’Ordre peut exiger la cession des parts dans un délai déterminé.
Les sanctions possibles
Les sanctions disciplinaires
Le Conseil de l’Ordre dispose d’un pouvoir disciplinaire pour sanctionner les manquements aux règles déontologiques. Les sanctions se déclinent selon une échelle de gravité croissante :
- L’avertissement : sanction la plus légère, elle constitue un rappel formel des obligations déontologiques ;
- Le blâme : sanction plus sévère, inscrite au dossier de l’avocat ;
- L’interdiction temporaire d’exercice : d’une durée comprise entre 3 mois et 3 ans, elle suspend le droit d’exercer la profession ;
- La radiation du tableau : sanction la plus grave, elle entraîne la perte définitive de la qualité d’avocat.
En cas de radiation, l’avocat doit céder ses parts dans les sociétés commerciales dans un délai de 6 mois. Cette cession s’accompagne souvent d’une perte financière significative, les parts devant être cédées rapidement. Lorsqu’un associé veut quitter la société, les modalités de sortie prévues dans les statuts ou le pacte d’associés déterminent les conditions financières de cette cession forcée.
Les sanctions pénales
Au-delà des sanctions disciplinaires, l’exercice d’une activité commerciale incompatible expose l’avocat à des sanctions pénales. L’exercice illégal de la profession est sanctionné par une amende pouvant atteindre 15 000 € et un emprisonnement. L‘usurpation du titre d’avocat, si l’intéressé continue à se présenter comme avocat après une radiation, aggrave encore ces sanctions.
